une lettre et des maux

Publié le par bricolo des mots















Elle était là, posée sur la table, elle semblait inoffensive, anodine, semblable à tant d'autres et pourtant...
Je n'arrivais pas à comprendre comment ce simple bout de papier avait pu avoir de tels effets! La journée était belle jusqu'alors, le soleil tant attendu brillait enfin, le rire avait été au rendez-vous dès le matin , comme souvent, et puis...et puis j'étais allée à la boite aux lettres.
J'avais remis l'enveloppe à mon père et j'étais partie jouer avec mes frères et soeurs.
C'est en revenant dans la cuisine que j'ai découvert  mon père assis, la tête dans les mains, il ne parlait pas, ma mère était derrière lui, les mains posées sur ses épaules, je voyais la lettre devant eux, elle semblait humide, des gouttes tombaient sur elle, ces gouttes venaient du visage de mon père, mon père pleurait, je n'avais jamais vu mon père pleurer, en tout cas pas devant moi... Du regard, j'ai demandé à maman si je pouvais lire, elle m'a fait signe que oui.
Elle débutait par des mots polis cette lettre, "cher monsieur..." et puis rapidement j'ai lu des mots inconnus, "situation économique de l'entreprise", "préavis", "indemnités", je me doutais bien que c'était dans ces mots que se cachait le malheur de mes parents, on entendait parler de ces choses au journal le soir mais moi je pensais que les informations de la télévision elles parlaient de la vie des autres... La crise venait d'arriver dans ma cuisine et je savais que ma vie allait changer.
J'ai posé un baiser sur le front de mon père, il m'a regardé et il a souri, il s'est levé et a déclaré haut et fort: "On va se battre!"  J'ai su que tout n'était pas perdu! ...Le soir avant de me coucher, je l'ai vu lire un gros livre rouge, "code du travail" c'était écrit, il m'a embrassé et m'a dit: "Tu vois ce livre, c'est une de mes armes, les mots peuvent faire souffrir mais ils guérissent aussi...", il souriait alors moi aussi...

Publié dans humeur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article